Nos premiers pas dans l’habitat participatif
Janvier 2019 : depuis quelques mois, un premier projet d’habitat participatif en pays viennois a cessé ses activités : il ne restait qu’un seul foyer actif au sein… d’Alterre’natifs.
Pourtant les personnes de cet unique foyer décident de ne pas baisser les bras : ils reprennent contact avec plusieurs personnes ayant manifesté un intérêt pour l’habitat participatif et proposent une première réunion en février. Ces quelques foyers qui se rencontrent pour la première fois repartent de zéro : les documents du premier projet Alterre’natifs (raison d’être, charte, etc.) serviront seulement de source d’inspiration, afin de permettre aux nouveaux arrivants de s’approprier pleinement le projet.
Nous devons tout inventer : la façon d’organiser les réunions, la fréquence de celles-ci, leur animation pour permettre de faire jaillir des idées collectives en partant des rêves individuels et plus ou moins définis de chaque foyer… Même le nom du collectif est incertain : resterons nous les Alterre’natifs ?
Ce processus est rendu d’autant plus compliqué que certains foyers quittent déjà le groupe après une ou deux réunions, tandis que de nouvelles personnes l’intègrent. Tout cela se passe de façon un peu brouillonne, car nous n’avons alors aucune procédure définie. Nous savons que nous sommes là pour un projet d’habitat participatif, mais ce terme vaste peut englober des réalités très différentes et à ce moment-là, nous ne savons pas encore exactement quelle direction notre projet va prendre !
Pourtant, dès le début, les échanges sont riches et passionnants, et des points communs très forts deviennent évidents : notre intérêt commun pour l’écologie, notre volonté de donner un sens fort à notre voisinage… Et nous avons la chance de commencer ce processus de création en 2019, quand il existe déjà tellement de projets existants dont nous pouvons nous inspirer. Ecoravie, le Village Vertical, les Choux Lents, le Côteau de la Chaudanne, Habiterre : ce sont autant de sources d’inspiration et de réflexion pour nous. Nous bénéficions également de ressources très enrichissantes : les MOOC organisés par l’Université des Colibris de Pierre Rabhi ou le livre nous aident beaucoup dans cette phase.
Construction d’un cadre
Très vite, nous comprenons qu’il est nécessaire de structurer nos échanges pour permettre à chaque foyer de se sentir rassuré par le sérieux et l’efficacité de notre démarche. Nous attribuons des rôles en réunion : animateur, secrétaire, gardien du temps. Nous nous inspirons des grands principes de la sociocratie et de la communication non violente pour établir notre propre fonctionnement.
Après quatre mois de travail, notre cadre s’étoffe : nous adoptons par consentement le nom d’Alterrenatifs (adieu l’apostrophe !), ce qui renforce notre identité, et nous rédigeons la raison d’être de notre collectif. Tout ce temps pour un si petit paragraphe ! Hé oui, tout seul on va vite. Mais à plusieurs, on va loin !
Inspirés par l’Université du Nous, nous décidons de rédiger les grandes procédures de notre groupe. Nous mettons en place un processus d’intégration qui permet aux foyers aspirants de découvrir notre fonctionnement avant de prendre la décision de nous rejoindre. Un processus de sortie nous évite les départs par mail, car nous nous rendons vite compte que celles-ci sont douloureuses et source de confusion pour tout le groupe ! Notre charte, que nous achevons de rédiger en octobre 2019, offre plus de détails sur nos souhaits et engagements que notre raison d’être. Nous détaillons notre processus de prise de décision par consentement (voir ci-dessous). Et nous poursuivons par la rédaction d’un processus d’exclusion, sans attendre la naissance d’un conflit dans le groupe. Sans même le réaliser, c’est notre règlement intérieur que nous rédigeons petit à petit, morceau par morceau !
En même temps, c’est également un cadre de sécurité pour chacun des membres du groupe : maintenant, si un conflit devait apparaître, nous nous sommes dotés d’outils indispensables pour essayer de le franchir sans trop de dégâts. Une gestion intelligente des conflits pourrait même un jour se révéler une bonne occasion de parfaire et d’avancer dans notre démarche.
Gouvernance horizontale jusqu’au sein de l’association
Décembre 2019 : après 11 mois d’activité du collectif, l’association Alterrenatifs voit officiellement le jour. Au lieu de l’habituel trio dirigeant (président, secrétaire, trésorier), nous choisissons de former avec l'ensemble des membres d’Alterrenatifs un conseil collégial. Au sein de ce conseil, les rôles de secrétaire et de trésorier tourneront régulièrement en fonction des besoins. Quand à la présidence, elle sera attribuée lors des assemblées générales, et n’aura pas lieu d’être le reste du temps. Cela n’empêche pas certains membres de prendre une position de leader au sein de certaines commissions, lorsque cela est nécessaire à la bonne avancée d’un projet donné.
Architecture de nos réunions
Les réunions plénières du collectif sont un merveilleux moment pour avancer et échanger des idées. Mais elles sont aussi courtes et (relativement) espacées. Il semble donc important d'optimiser notre temps de présence... Pour cela, une organisation en amont (ordre du jour, préparation des sujets) et une architecture précise (temps de ressenti, animation par une équipe facilitateur / secrétaire) sont des outils formidables. Mais nous essayons quand même de rester souples et fluides, et si le groupe a envie de se lancer de manière impromptue dans un discussion qui n'était pas prévue, il est parfois bon de s'adapter ! Nous avons emprunté à Ecoravie ce proverbe, qui nous correspond bien :
Au sein d'Alterrenatifs, tout est gravé... dans le marbre mou !
La non-violence : une valeur essentielle
Grâce notamment à l’une de nos membres déjà formée en communication non-violente au sein de l'organisme Concertience, nous nous sommes très tôt intéressés aux principes de cette méthode. la non-violence représente pour nous à la fois une valeur pilier pour notre projet, une composante indispensable de nos débats et réunions, et une garantie de longévité pour notre collectif. Une formation collective du groupe à la communication non-violente fait partie de nos projets à court terme en 2020.
La gestion par consentement (GPC) : notre outil central
Nous définissons le consentement comme le moment où, autour de la table, plus personne n'a d'objection valable à opposer pour l'adoption d'une proposition. C'est un outil plus puissant à nos yeux que le consensus (ou tout le monde doit obligatoirement converger vers une seule solution), car le consentement permet d'explorer une plus large palette de possibilités face à une situation donnée. On n'est pas obligé d'être d'accord, tant qu'on n'est pas contre !
De plus, au consensus, un seul membre peut bloquer tout le processus en usant de son droit de blocage... Alors qu'au consentement, chaque membre doit s'impliquer pour chercher à lever les objections soulevées. Par contre, c'est sûr qu'il faut accepter de prendre son temps !
Si vous voulez aller plus loin, nous vous conseillons le MOOC des Colibris intitulé Gouvernance Partagée. L'Université du Nous a réalisé au sujet de la gestion par consentement une formidable vidéo didactique (voir ci-dessous), qui est plus explicite qu'une heure de discours !
Une multitude d’outils annexes pour nous permettre d’avancer
Ce sont des outils qui sont loin de nous servir à chaque réunion, mais qui, utilisés à bon escient, ils représentent une source de fluidité et nous ont évité à de nombreuses reprises de rester bloqués sur un sujet compliqué.
- Les chapeaux de Bono
- Les abaques de Régnier
- Les cartes mentales
- Les outils numériques tels que Framadate, Framatalk, les Pads Colibris...
- Sans oublier bien sûr les jeux coopératifs !
Crédit photo table : Rod Waddington
Crédit vidéo : Université du Nous